La Gorgone en "course agenouillée"
Cette amphore grecque est typique des productions athéniennes du VIe siècle avant J.-C. de par sa forme, dite à col attique, et par la technique employée pour la décorer avec des figures noires rehaussées de rouge et de blanc sur le fond orangé de l’argile ainsi que ses motifs incisés.
​
Le décor de cette amphore est organisé de façon tripartite, suivant ses formes. Son col est orné de motifs végétaux, notamment des palmettes (feuilles de palmier stylisées). La panse reçoit le décor principal : il consiste en une figure féminine en armes et ailée, la tête et le buste représentés de face tandis que le reste de son corps est tourné de profil, les bras et les jambes tournés en angle droit. Elle est encadrée sur les côtés par des volutes ornementales, tandis qu’un serpent semble glisser sous ses pieds. Enfin, le pied de l’amphore est illustré d’une frise de lions passants et d’une couronne irradiée.
​
La figure principale représente l’une des Gorgones, sœurs de la célèbre Méduse qui pétrifiait qui croisait son regard et qui fut tuée par Persée. Contrairement à elle, la Gorgone est un être hybride : à son corps anthropomorphe s’ajoutent deux paires d’ailes ainsi qu’une chevelure constituée de serpents, qui trouvent un écho dans celui qui se déplace ici sous les pieds de la figure.
Un décor mythologique

© Musée du Louvre / Hervé Lewandowski
Athènes
Vers 520-510 av. J.-C. (Grèce Archaïque)
Terre cuite
42,6 x 28,6 cm
Paris, Musée du Louvre, inv. n°F 230
Un mouvement impossible ?
​
La position peu naturelle de la Gorgone est aujourd’hui surnommée “course agenouillée”. Ses membres prennent en réalité la forme d’un svastika: facile à tracer il devient un motif ornemental commun dans l’art grec. Son graphisme invite également à l’interpréter comme un symbole de rapidité et de régénération perpétuelle. Il suffisait peut-être aux Grecs d’alors de reconnaître le symbole dans la posture de la Gorgone pour y voir l’expression du mouvement de cette divinité en insistant sur son immortalité.
​
Il s’agit là d’une convention propre à la Grèce archaïque pour figurer la rapidité d’une course : elle est réservée à la représentation des Gorgones en fuite, des Nikè (la “Victoire” en grec) ou des athlètes armés. L’impression est ici renforcée par les ailes déployées dans le dos de la Gorgone qui semblent augmenter encore sa vitesse si bien qu’on ne saurait déterminer si elle court ou si elle vole. Fuit-elle devant un danger ou, au contraire, poursuit-elle quelqu’un ? Rien dans ce décor ne permet d’établir une narration. Cependant les figures de gorgones, comme celle placée sur le fronton du temple d’Artémis à Corfou, avaient pour fonction de chasser le mal. Peut-être cette amphore avait-elle pour vocation de protéger l’ensemble des membres de l’oïkos (la maisonnée) ou a-t-elle pu servir d’ex voto (ou offrande) à une divinité dans un sanctuaire.

© BNF / Serge Oboukhoff
Lécythe attique à figures noires
"Persée et la Gorgone Méduse"
Terre cuite
Vers 530 av. J.-C. (Grèce Archaïque)
Collection du Cabinet des Médailles BNF
​