
Francesco Albani dit l’Albane (1578 - 1660)
Vers 1615 - 1620
Huile sur cuivre
17 x 35 cm
Paris, Musée du Louvre, inv. 18
© Musée du Louvre / Benoît Touchard
Apollon et Daphné
Cette petite huile sur cuivre réalisée par l’Albane vers 1615-1620, est une scène tirée des Métamorphoses d’Ovide, représentant le mythe d’Apollon et Daphné.
Mythe d’Apollon et Daphné
Apollon après une victoire face au serpent Python, grâce à son arc, se moque de Cupidon et de ses flèches, qui selon lui sont insignifiantes. Cupidon pour se venger tire deux flèches dans des directions opposées, l’une d’or faisant naître l’amour et l’autre en plomb le faisant fuir.
La première atteint Apollon et c’est Daphné, la fille du dieu fleuve Pénée, qui reçoit la deuxième. Daphné est une nymphe qui a fait vœu de chasteté et quand Apollon se met à la courtiser, elle fuit. Le dieu la poursuit à travers les bois et au moment où il pense la rattraper Daphné supplie son père de la sauver : celui-ci la métamorphose alors en laurier. Apollon, puisqu’il ne peut plus posséder la nymphe, décide alors que cet arbre sera désormais son emblème et celui des généraux victorieux. Comme Apollon, le laurier restera éternellement jeune, ce qui explique qu’il garde un feuillage toujours vert.
Course folle
L’Albane réalise cette scène mythologique sur panneau de cuivre afin de donner plus d’éclat à la peinture. Il privilégie le format rectangulaire afin de permettre une lecture horizontale de la scène, bien adaptée à la représentation d’une scène de course. L’Albane choisit de représenter le moment de la course, alors que la plupart des artistes représentent l’épisode suivant. Dans cette scène, Apollon, dieu de la Beauté, des Arts et de la Musique, tient un arc dans sa main gauche, en référence à sa fonction d’archer et de dieu vengeur, puisqu’en effet, il vient de vaincre le serpent Python grâce à son arc. Daphné, nymphe, fille du Dieu fleuve Pénée, est affiliée à Artémis, d'où la lance qu’elle tient. Un troisième personnage apparaît dans la partie supérieure à droite du tableau, il s’agit d’Eros, représenté enserré dans les nuages : il semble contempler la scène dont il est à l’origine.
Apollon court après Daphné, il tend la main et tente de lui parler afin de la faire ralentir dans sa course, mais Daphné ne l’écoute pas, elle tente toujours de s’enfuir. Cette course amoureuse se traduit par la position des corps penchés vers l’avant donnant de l’allure aux personnages, la représentation du mouvement des jambes et le drapé des vêtements qui semblent s’envoler sous l’effet de la course.
[Cupidon] De son carquois empli de flèches, il tira deux traits
aux effets opposés, l'un chassant l'amour, l'autre le faisant naître.
Celui qui le fait naître est doré, muni d'une pointe acérée et brillante ;
celui qui le chasse est émoussé et cache du plomb sous son roseau.
C'est le premier que le dieu lança sur la nymphe, fille de Pénée ;
mais, avec l'autre, il blessa Apollon, perçant ses os jusqu'à la moelle.
Lui aussitôt se met à aimer ; elle, elle fuit jusqu'au nom d'amante. [...]
Ainsi le dieu [Apollon] s’est enflammé ; totalement embrasé,
il espère et entretient dans son cœur un amour stérile.
Il regarde les cheveux sans apprêts flottants sur la nuque de Daphné
et dit : « Que serait-ce, s'ils étaient coiffés ! » Il voit ses yeux
étinceler, semblables à des astres, il voit sa bouche mignonne,
mais voir ne lui suffit pas ; il louange ses doigts, ses mains,
ses poignets et ses bras plus qu'à moitié dénudés ;
ce qui est caché, il l'idéalise. Elle s'enfuit, plus rapide que le vent léger,
et ne s'arrête pas malgré les appels de son amoureux :
« Nymphe, fille de Pénée, je t'en prie, reste ; ce n'est pas un ennemi
qui te poursuit. Nymphe, attends » [...]
Iconographie allusive
Ainsi le dieu et la vierge, poussés,
l'un par l'espoir, l'autre par la crainte, accélèrent l'allure.
Lui cependant, porté par les ailes de l'amour, continue sa poursuite ;
plus rapide, il renonce au repos, talonne le dos de la fugitive,
et de son haleine effleure les cheveux épars sur sa nuque [...]
Ovide, Métamorphoses, livre I
Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2005
Le peintre est admiré pour ses compositions mythologiques, il déploie dans cette oeuvre ses compétences concernant la composition et la couleur. En effet, la couleur des vêtements des personnages renvoie à leur fonction mythologique, puisque Apollon dieu du soleil est représenté dans des tons rouges et orangés, et Daphné, fille du dieu fleuve est représentée vêtue de bleu. Dans la composition, de nombreux éléments font allusion à sa transformation : le paysage représentant le Mont Olympe et le fleuve est une allusion au dieu fleuve Pénée, et à gauche, la présence d’un laurier est signe de sa métamorphose prochaine.